Brexit : quelles conséquences pour les banques ?
IEI
Institut Européen et International
Brexit, où en est-on ?
John Glen est professeur d'économie à la Cranfield School of Management, au Royaume-Uni. Il est spécialiste de la microéconomie et de l'organisation industrielle et est l'auteur de plusieurs articles sur la politique de la concurrence et la déréglementation. Il partage son point de vue sur le Brexit.
Le jeudi 16 mars 2017, le “Projet de Loi de l’Union Européenne (notification de retrait)” a obtenu la sanction royale au Parlement britannique, entraînant ainsi son adoption dans la législation nationale. Cela a conféré à Theresa May, le Premier ministre britannique, le pouvoir de déclencher l'article 50 du traité de l'Union européenne (UE) et d'entamer officiellement le processus de retrait de l'UE, qui durera deux ans.
Nous entrons donc dans une période au cours de laquelle le Royaume-Uni cherchera à négocier un accord de sortie qui serait approuvé à l'unanimité par les 27 membres de l'Union européenne (UE). Dans le cas où nous ne parviendrions pas à un accord, le Premier ministre Theresa May a officiellement déclaré qu'il valait mieux ne conclure aucun accord que de conclure un "mauvais accord". Cependant, il était quelque peu déconcertant d’entendre David Davies, le ministre chargé du Brexit, avouer que son ministère n'avait pas évalué les conséquences sur le plan économique de l'absence d'un accord. Je reviendrai sur l'importance de cet aveu plus loin dans cet article.
Toutefois, le gouvernement britannique ne veut pas garantir les droits à l’emploi de ces travailleurs, ni leur droit aux prestations de santé et de chômage. En outre, si les travailleurs de l'UE doivent bénéficier de droits à l’emploi et de prestations sociales au Royaume-Uni après le Brexit, le gouvernement ne veut pas que ces derniers soient déterminés par l'UE ou par la CJCE. Il n'est pas surprenant que cela ait créé une incertitude parmi les ressortissants de l'UE travaillant au Royaume-Uni, certains travailleurs européens choisissant déjà de quitter le pays, et d’autres décidant de ne plus venir. Cela a déjà commencé à mettre à rude épreuve un certain nombre d'industries britanniques qui comptent sur les travailleurs migrants, en particulier le service de santé britannique.
Où en est le mental britannique ?
Je dirais que l'on se rend de plus en plus compte que l'UE ne s’engagera pas dans des négociations commerciales tant que les termes du Brexit n'auront pas été convenus. La pression sur le gouvernement britannique est encore accentuée par les entreprises britanniques, dont la plupart se sont préparés pour un "Brexit dur" depuis le vote de départ, afin de ne pas être désagréablement surpris. Ceci dit, ces entreprises affirment maintenant ouvertement que si les négociateurs britanniques ne sont pas en mesure de faire avancer leurs discussions sur le Brexit et sur de futures relations commerciales avec l'UE, elles commenceront à mettre en oeuvre leurs plans pour un “Brexit dur” à partir du 1er janvier 2018. Dans certains cas, cela signifie que de grandes entreprises actuellement implantées en Grande-Bretagne commenceront à transférer une partie de leurs activités en Europe continentale.
Alors, quelles seraient les conséquences d'un "Brexit dur" ?
Le "Brexit dur", ce serait le scénario dans lequel le Royaume-Uni quitterait l'UE et adopterait les tarifs douaniers de l'OMC pour tous les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l'Union, et les pays avec lesquels l'UE a conclu des accords commerciaux. Le nouvel environnement réglementaire dans lequel le Royaume-Uni commercerait avec l'UE serait, au mieux, similaire aux réglementations actuelles de l'UE et, dans certains cas, moins avantageux. L'exemple le plus évident est la perte du "passeport européen” pour les banques britanniques. Le passeport européen pour les banques et les sociétés de services financiers permet aux entreprises agréées dans n'importe quel État membre de l'UE ou de l'EEE d'effectuer librement leurs opérations dans n'importe quel autre État membre.
Monique Ebell a estimé que le passage de l'Espace Économique Européen à un régime de l'OMC se traduirait par une réduction de 60 % des exportations britanniques vers l'UE, sachant que nos exportations vers l’UE représentent 40 % de nos exportations totales de services. Par conséquent, à long terme, les exportations totales de services du Royaume-Uni seraient réduites de 24 %. L'impact sur les exportations de biens serait d'une ampleur similaire, en ce sens que nos exportations de biens vers l'UE diminueraient de 35 à 40 %, sachant que nous exportons une plus grande proportion (56 %) de nos exportations totales de biens vers l'UE, ce qui ferait chuter les exportations totales de biens de 23 %, selon l'analyse d'Ebell.
Où en sont les entreprises britanniques et européennes ?
Je pense qu'il serait sage pour elles de se préparer à un Brexit dur. Voici les suggestions que je leur ferais:
- Évaluez l'impact que le Brexit aura sur vos stratégies d'approvisionnement et vos coûts. Les résultats d'enquêtes menées par le Chartered Institute of Procurement and Supply (CIPS) au Royaume-Uni donnent à penser que les entreprises du continent européen sont en avance sur les entreprises britanniques à cet égard.
- Examinez les moyens par lesquels les importations potentiellement plus complexes (d'un point de vue réglementaire) et plus coûteuses (d'un point de vue tarifaire) en provenance de l'UE peuvent être transférées “on-shore” et comment des chaînes d'approvisionnement alternatives peuvent être configurées au Royaume-Uni et avec des fournisseurs non européens. Les deux ans de négociation passeront rapidement, il y aura des spéculations interminables sur les résultats, je vous suggère de vous préparer pour le pire et d'espérer être agréablement surpris.
Quel sera, selon moi, le résultat ?
Dans un premier temps, je pense qu'il y aura une période de transition. Il sera impossible de conclure toutes les négociations d'ici mars 2019 et une période de transition de deux ans est très probable. L'introduction d'une période de transition introduit également une probabilité non négligeable qu'il pourrait y avoir un second vote, durant lequel le Royaume-Uni voterait pour rester dans l’UE !
Cependant, la possibilité d'une période de transition a créé une dynamique intéressante dans la politique britannique, avec des partisans du Brexit accusant le gouvernement de ne pas accomplir la volonté des électeurs et suggérant que nous devrions sortir de l’UE en mars 2019, quelles qu’en soient les conséquences. En effet, cette semaine, un membre du gouvernement a demandé une copie d'un programme d'études européennes au vice-président d’une université, parce qu'il estime que les universités britanniques sont trop “pro-remain” (pour que le Royaume-Uni reste dans l’Union Européenne). Heureusement, le vice-principal de l'université en question a refusé, afin de conserver un semblant de liberté académique.
En conclusion, comme le dit le vieux proverbe chinois, "puissiez vous vivre une époque passionnante", ce que nous faisons sans aucun doute. Ce que nous devons maintenant faire, c'est, d'une manière ou d'une autre, trouver une voie vers un avenir qui nous profitera à tous.