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IEI
Institut Européen et International
L'entreprise sur la scène internationale: portrait de la diplomatie d'entreprise
Erkki Maillard est le conseiller diplomatique du PDG d'EDF. Il nous livre sa définition de la diplomatie d'entreprise.
La diplomatie d’entreprise occupe de plus en plus de place dans le processus d’internationalisation des grands groupes, car ils ont besoin du soutien politique, à la fois pour s’implanter dans des marchés émergents complexes et volatiles et pour anticiper les soubresauts d’un monde plus instable depuis la fin de la guerre froide.
Plus la décision politique est importante dans la décision d’achat, plus la diplomatie d’entreprise est nécessaire. Toutes les entreprises ont toutefois besoin d’acquérir une connaissance plus ou moins fine de l’environnement international, en particulier lorsque leur modèle économique dépend de paramètres politiques et diplomatiques. La manière d’intégrer cette dimension dans l’organisation de l’entreprise varie, elle peut l’externaliser ou décider de recourir à des conseils externes par exemple, mais cette composante est, je crois, utile dès lors qu’une entreprise envisage une action internationale durable.
Le diplomate d’entreprise sollicite des compétences multiples : relations institutionnelles, intelligence économique, négociation diplomatique. Quels sont les défis de ce métier transverse, à mi-chemin entre secteur privé et sphère publique ?
Cette profession nécessite beaucoup de compétences...
Ma profession comporte aussi une dimension beaucoup plus pratique, qui est de partager les projets de l’entreprise avec les autorités, à condition que ces projets répondent à un agenda politique. Je vous donne un exemple : lorsque le gouvernement indien décide d’une nouvelle politique énergétique, l’État français peut inclure les industriels dans son plan de coopération énergétique avec l’Inde. Les entreprises peuvent ainsi apporter leur technologie pour transformer le mix énergétique indien et le décarboner. Ce qui est important, c’est de comprendre la mécanique des relations bilatérales et multilatérales et quels sont les objectifs poursuivis par les États, pour que les solutions que peut apporter l’entreprise soient entendues et utiles aux décideurs.
Sur le plan économique, certaines entreprises multinationales sont plus puissantes que nombre d’États. Leur dimension imposante suffit-elle à en faire des acteurs à part entière de la scène internationale ?
Attention à ne pas aller trop loin dans la théorie de l’affaiblissement de l’État. Bien que les entreprises aient eu un rôle important dans certaines négociations internationales, comme la COP21, il ne faut pas franchir le pas en disant que les entreprises et l’État ont le même pouvoir de décision. Les négociations sur le climat représentent un modèle original et efficace mais il n’est sans doute pas reproductible au-delà du champ de certains biens publics mondiaux comme la biodiversité ou la santé.
Par ailleurs, je pense qu’on assiste à un retour de la politique de puissance dans les affaires internationales, avec des États comme la Russie et la Chine qui gardent la main sur l’intégralité du processus de décision et utilisent la diplomatie économique comme un outil de conquête géopolitique. Il est vrai, par ailleurs, que la puissance économique des grandes entreprises dépasse celle de certains États, mais cette puissance ne se traduit pas nécessairement sur le plan politique. Les GAFA, par exemple, n’ont pas intérêt à faire usage de chantage auprès des États pour parvenir à leurs fins, car les clients sont de plus en plus exigeants quant à l’éthique des entreprises.
Deuxièmement, les entreprises prennent position sur des sujets spécifiques qui sont en lien avec leur activité : un laboratoire pharmaceutique ne s’exprimera pas sur le conflit en Syrie.
Vu d’EDF, nous pensons que les décideurs publics ont fait d’immenses progrès pour articuler la diplomatie et la promotion des intérêts des entreprises. Il y a une très bonne coopération entre tous les niveaux de l’appareil d’État et les entreprises.