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Les compétences linguistiques, un enjeu pour l’entreprise : le cas d’Unibail-Rodamco

Jules Robert-Le Hérissé est responsable RH au sein du groupe Unibail-Rodamco, le leader européen de l'immobilier commercial. Dans cet entretien, il nous révèle l'importance des compétences linguistiques pour l'entreprise.

Les compétences linguistiques, un enjeu pour l’entreprise : le cas d’Unibail-Rodamco

À l’ère de la mondialisation, la diversité linguistique est devenue un enjeu central de l’économie. Considérez-vous les compétences linguistiques comme une valeur ajoutée pour l’entreprise ?

Plus qu'une valeur ajoutée, le plurilinguisme est très souvent un prérequis à l’embauche, surtout pour des entreprises européennes comme Unibail-Rodamco. Nous valorisons beaucoup les profils internationaux, ce qui explique le fait que nous recrutons exclusivement, à travers notre programme jeunes diplômés, des personnes ayant vécu à l'étranger et parlant au minimum deux à trois langues (le français et anglais sont la base, suivis de l’espagnol et allemand). Ces profils sont un atout pour l'entreprise car ils permettent une transversalité et une mobilité importante, qui sera prégnante tout au long de la gestion de carrière des collaborateurs.
En décembre 2017, nous avons racheté l’entreprise australienne Westfield, qui opère principalement aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Italie et qui était notre principal compétiteur dans le secteur. Unibail-Rodamco est donc amené à devenir le numéro un mondial de l’immobilier commercial : plus que jamais, le profil international sera un prérequis.

Cependant, à ce jour, il existe peu d'études qui mesurent l'apport économique de ces profils dans une entreprise : il serait intéressant pour nous d’explorer cette dimension dans le futur.


Certains pensent que le monolinguisme (le fait de ne parler qu’une seule langue) serait en passe de devenir l’illettrisme du XXI ͤ  siècle. Pensez-vous que le marché du travail sera de plus en plus demandeur de compétences multilingues et internationales, au point d’écarter les profils qui ne possèdent pas ces compétences ?

En effet, dans un contexte de globalisation des échanges, parler une seule langue peut être un facteur discriminant sur le marché du travail, car le monolinguisme est souvent associé au manque de formation ou, pire, au manque d’ouverture d’esprit. Pour le responsable RH que je suis, un profil de ce type envoie beaucoup de signes d’avertissement. 

Mais l’importance du facteur linguistique dépend de l’échelle à laquelle on se réfère : je représente le point de vue d’un grand groupe international, ce qui peut biaiser mon jugement. Les dynamiques locales restent évidemment centrales dans le processus de recrutement.


L’anglais, qui est souvent perçu comme étant l’unique
lingua franca internationale, perd peu à peu du terrain au profit de langues comme le chinois, l’arabe, l’hindi. Du point de vue de l’entreprise, l’anglais reste-t-il indétrônable ou, du moins, indispensable ?

Dans un groupe comme Unibail-Rodamco, l’anglais règne comme la langue de travail de l’ensemble des collaborateurs : tous les documents sont produits en anglais, les trois quarts des réunions se font en anglais, ainsi que toutes les communications avec nos parties prenantes, qu’ils soient polonais ou espagnols. Puisque nous sommes tout de même un groupe franco-néerlandais, nous traduisons certains documents en français, lorsque cela est nécessaire.

Cette adoption de l’anglais comme langue unique s’inscrit dans une logique d’harmonisation des processus et de mobilité des collaborateurs entre les départements : notre objectif, c’est qu’un de nos collaborateurs français, par exemple, puisse être en mesure de s’intégrer dans notre département investissement en Suède, puis devenir directeur de centre commercial en Allemagne, et ainsi de suite, sans grande difficulté.


Bien qu’elle soit un atout économique, la diversité linguistique pose également un certain nombre de défis pour l’entreprise. Au sein de votre entreprise, comment appréhendez-vous ces défis ?

Pour surmonter ce défi, le rôle de la formation est central. À Unibail-Rodamco, nous avons développé, avec l’aide d’experts externes, une politique de formation linguistique à deux niveaux : des cours personnalisés en présentiel et des cours en e-learning, ce qui permet à l’apprenant de maîtriser sa progression. Tous les pays du groupe utilisent les mêmes dispositifs, qui se sont révélés être efficaces.

En plus de ce volet linguistique, nous avons récemment développé des formations interculturelles à l’intention de nos cadres dirigeants, afin de développer leurs compétences interculturelles dans un cadre de négociation internationale, et de nos expatriés, afin de les aider à s’intégrer dans leur pays d’accueil.

Ces formations sont dispensées dans une logique d’internationalisation, qui est un des quatre piliers de notre politique RH. De manière plus générale, les ressources humaines du futur devront nécessairement intégrer cette notion de diversité et d’internationalisation : nous y travaillons chaque jour.